Parfois la pluie a un goût de liberté ~ E l e n w ë

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~ Il pleuvait, aujourd'hui. Une pluie limpide et fraîche. Une pluie comme seul l'hiver peut arracher aux nuages. Les gouttes comme des milliers de cristaux ricochent sur le sol marécageux. Ricochent sur mon pelage. Sur ma peau. Sur mon coeur. Elle forme un rideau qui m'empêche de voir où je vais. Peu m'importe finalement. Un pas après l'autre, je me contente d'avancer. Le sol traître me fait trébucher. Je me relève, encore et encore, les pattes et le menton souillés de vase et de boue. La surface givrée de l'eau se craque, mon souffle se fige dans l'air glacial ; je suis dans mon élément. La morsure du froid est mon refuge. Mon esprit s'apaise, mes yeux se ferment. Mes pas me guident vers ma mémoire, lentement. Je les revois, tous les trois, jouant dans le tapis de feuilles dorées d'une clairière. Summer. Spring. Fall. Et la petite silhouette là, recroquevillée un peu plus loin. C'est moi. Le nez dans la mousse, je regarde, émerveillé, le gel s'emparant d'une brindille. Il l'habille de son manteau de diamant finement ciselé, artiste oublié du monde. Mais je suis là, moi, savourant le trésor éphémère offert par cette saison maudite que, pourtant, je respecte et j'admire. Hiver. Un mot qui donne des frissons, un mot qui suscite l'appréhension. Et je porte son nom comme un cadeau. Winter

~ Je me suis arrêté là où les arbres forment une brèche vers le ciel. Il est gris perle et blanc. Je lève les yeux vers son immensité opaline, me délectant de la pluie qui inonde mon visage. L'hiver est une saison si élégante dans ses extrêmes... Finesse exquise, éblouissante dans son habit de neige, je n'ai de cesse de me hisser à sa hauteur. Désolé de vous avoir quittés. En fait, non, je ne suis pas désolé. Je suis parti parce que je n'avais pas ma place. Elle n'est nulle part ailleurs qu'ici, dans les bras glacés de la vie. Ma vie. Pas la vôtre.

Il pleuvait, aujourd'hui.

( Titre pourrave, longueur pourrave. Y a plus qu'à espérer que ça te plaise )

~ Doucement, mes lèvres esquissèrent un sourire, sincère tout d'abord pour devenir moqueur l'instant d'après. J'avais perçu sa présence, son changement d'attitude, malicieuse, sauvage, et feint l'indifférence lorsqu'elle s'était assise à côté de moi. Tandis qu'elle nichait son regard au creux des nuages, je détournai le mien, le posant sans gène sur sa silhouette élancée et, il fallait bien l'avouer, empreinte d'une certaine grâce. Fragile n'était pas le mot adéquat pour la décrire ; son énergie, sa force de caractère irradiaient, éblouissantes, visibles à ceux qui se donnaient la peine de regarder. Je la dévisageais, mes yeux clairs et francs voyant ce qu'il y a au-delà de l'apparence, sondant l'âme, justes, impartiaux. Je ne juge pas. Je constate. Je devinais son bonheur, simple, innocent, le même que le mien. Je percevais son besoin d'indépendance, pas le dégoût de l'autre mais l'absence d'attachement sincère, durable. Mieux ; je le comprenais. Alors que sa voix, claire, détachée, parvenait à mes oreilles, un détail retint mon attention. Vague, flou, mais bien présent. Je tentai de m'accrocher, de saisir ce sentiment dont le sens m'échappait, pourtant si proche, à la lisière de ma conscience, mais la réalité s'imposa et le fragment s'évanouit, insaisissable. Je clignai des paupières, chassant instantanément mon trouble avec l'aisance que confère l'habitude.

« Bientôt, ce ne seront plus ses larmes, mais sa colère, qu'il nous fera partager... »

~ Rares sont ceux qui partagent quoi que ce soit avec le ciel. C'est pourtant la seule entité qui vous accompagne tout au long de votre vie. Elle vous veille, vous escorte du début à la fin et au-delà encore, sans relâche. Elle porte sur ses épaules le poids de nos confidences et, en retour, elle n'attend rien, rien de plus que de la tolérance. Il est mal avisé de se plaindre de la pluie lorsqu'on apprécie le beau temps. Et pourtant...

« Ne nous plaignons pas »

~ J'ai toujours aimé entendre le tonnerre bourdonner dans mes tympans trop sensibles. De fait, je ne supporte pas de vivre sans que le ciel s'étende au-dessus de moi, infini, intemporel. Vivre enfermé m'est insupportable, dussai-je endûrer la pire des tempêtes d'automne ; certains appellent ça la claustrophobie. Mais ça n'a rien d'une maladie. C'est un état d'esprit.

~ Soudain, alors que mes dernières paroles se frayaient un passage entre les gouttes, les mots franchirent la brume pour atteindre mon esprit. Peur. Solitude. Tels étaient les sentiments enfouis que j'avais entr'aperçu un peu plus tôt. Imperceptiblement, je secouai la tête. Je devais avoir rêvé.

Et pourtant...