▬ I didn't want to die...

On dit qu'avant de mourir, on voit notre vie défiler devant nos yeux, tel un film mit en vitesse accelérée. Petite, ça me faisait rire, et je me disais que j'avais hate de voir ça, vérifier les dires, revivre tout mes instants. Pour moi, ce serait comme vivre une deuxième fois, ça passerait plus vite, et ce serait du déjà vu, mais ce serait une deuxième fois... Mais finalement, ce n'est pas une chose qu'on devrait souhaiter. Rien n'est pire que revoir sa vie, à moins d'en avoir eu une sans rature. Sur la mienne, des ratures, il n'en manque pas, particulièrement au début. Mes premiers mois d'existence, s'ils avaient été des mots, seraient illisibles. Ainsi je revois ma mère, ses crocs comme une menace de mort à quelques centimètres de ma nuque aussi solide entre ses dents qu'une brindille. Ces moments là, ils m'ont hantés durant toute mon existence, j'ai haïs ma génétrice pour son manque d'affection et ses mauvais traitement. Je ne pensais pas pouvoir lui pardonner un jour, et pourtant... Me voilà allongée sur le flanc, écumante, et d'un coup, comme une soudaine poussé de maturité, je comprend. Et je ne peux que l'excuser. A ma naissance, je fus la seule à survivre, je ne sais pas combien de frères et de soeurs j'aurais du avoir, on ne me l'a jamais dit. Mais je sais qu'ils n'ont jamais eu l'occasion de voir le jour. Ils sont morts avant même de naître. Je comprend pourquoi ce rejet violent de ma mère, ayant perdue presque toute sa portée, elle était incapable de m'élever avec un amour teinté de désespoir, elle m'aurait détruit. Elle a préférer m'éloigner, espérant sans doute que étant donné mon jeune âge, j'oublirais cette partie de l'enfance. Maintenant, je ne doute plus, elle m'aimait, et sûrement que me traiter ainsi a brisé les derniers morceaux intactes de son coeur. Mais je ne peux m'attarder, ma vie défile, sans une pause pour que je puisse m'attarder sur un détail. Elle cours, vite, sans cesse plus proche de cet instant, l'instant où elle finira, ici même. L'instant où je mourrai....
Je me revois, perdue dans la Forêt Morte, affamée, éreintée et, pour la première fois de ma vie, résignée. Mais le voilà, il s'approche, je le sens, je le revois. Ce qui relie un père à sa fille n'est pas dans le sang, c'est dans l'amour. Sans me connaître, sans même savoir d'où je venais, il m'a prit sous son aile. Je lui dois la vie, je lui dois mon bonheur. C'était Léviathan, Papa... Et puis la vie continue, je grandis, je rencontre Morphée, pour une première et dernière fois. Elle avait joué avec moi, irradiant d'une bonne humeur contagieuse. On a joué, ce jour là, dans la neige. Morphée, j'ai beaucoup repensé à toi. J'ai même rêvé qu'on se revoyait, toute les deux adultes. Amies. Je ne sais pas ce que tu es redevenue, j'ai espéré te revoir souvent. Peut-être est-ce le moment ? Ca y est... J'arrive à la fin, j'ai pratiquement ma taille d'adulte, je sais chasser, ou presque. Et c'est d'ailleurs mon activité du jour. Je suis partie tôt, car pour trouver de quoi manger, il faut voyager maintenant. J'ai toujours ignoré les meutes, je n'ai que rarement rencontré un de leur membre. Je ne connais rien d'eux, d'où je viens, ça n'existe pas. Il y a nous, les loups, les distractions, et au dessus, les hommes, avec leurs fouets, leurs bâtons. Je me suis trop éloignée je crois, je commence à m'inquiéter, mon sens de l'orientation étant anormalement en dessous de la moyenne, j'ai peur de ne pas retrouver mon chemin. Et que jamais personne ne me retrouve. Et puis, l'Espoir revient accompagner d'un délicieux fumet que je pensais avoir oublier. Aussitôt, j'applique ce qu'on m'a appris. Je ne suis pas douée à la chasse, mais je pense pouvoir dire que je me débrouille. Le lièvre n'est pas loin, je peux l'entendre. Je ne peux m'empêcher de frétiller, tel un louveteau près à tuer sa première proie. Oui, je l'ai, je l'ai eu ! Un dernier spasme secoue son corps maigrelet, et il rend l'âme. Comme moi. Peut-on remonter le temps ? Peut-on éviter de faire quelque chose qui nous sera fatal ? Non. Je l'ai avalé, ce lapin, trop vite. Mais surtout, je n'ai pas fais attention à son état. J'avais trop faim. Et je gis, là, quelques kilomètres plus loin de l'endroit où je l'ai trouvé. Quelques kilomètres, le temps pour que le poison fasse son effet.

Il y a trois façon de vivre sa mort. La première est qu'on l'accepte, on prend un grande inspiration, on ferme les yeux, et on l'attend. La deuxième est qu'elle nous fait peur. Une peur peut se vaincre, on prend donc son courage à deux mains, on hurle si on veut, et on meurt. Moi, je n'ai pas peur de la mort, mais c'est encore pire. Je meurs alors que je veux vivre, je meurs alors que je ne suis même pas encore pleinement adulte. Je meurs... et je n'y peux rien.

On dit qu'avant de mourir, on voit notre vie défiler devant nos yeux. Mais on ne dit pas tout, on voit aussi notre avenir, celui qu'on aurait eu si on avait su éviter de manger un met empoisonné. Je vois ce que j'aurais pu être, je vois mes enfants, mon compagnons, des silhouettes flous. Je ressens les méfaits de la vieillesse. Je vois mon bonheur. Toutes ces images me font monter les larmes aux yeux, et puis ça se trouble, ça s'envole, comme un beau rève dont on n'a put profiter assez longtemps.

Et je meurs alors que je veux vivre. Tandis que certains vivent, alors qu'il ne le souhaite pas. J'ai envie de leur dire... Au lieu de vous morfondre, profitez-en, putain ! Pour moi, pour tout ceux qui meurt alors qu'ils méritaient mieux.

Une larme au bord de mon oeil coule alors, je la sens. Mais quand elle tombe, je ne suis déjà plus là...